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21 sept. 2009

L'urbanisation dans les pays en developpement

Sur six êtres humains aujourd’hui, trois vivent en ville, dont deux dans une ville en développement. Ces chiffres illustrent l’ampleur du défi que représente le phénomène urbain dans le monde actuel et la pression croissante qu’il exerce actuellement à tous les niveaux dans les villes.



Du fait de la croissance démographique, l’étalement urbain et métropolitain des villes en devenir va accroître chaque jour le retard en capacités de ces villes – capacités institutionnelles, financières, techniques, certes, mais aussi humaines et même conceptuelles – face à une "question urbaine" de plus en plus complexe à saisir.

Du fait de la spécificité de leur contexte d’urbanisation, les villes en développement, notamment en Afrique Noire, présentent des problèmes caractéristiques contre lesquels plusieurs tentatives de solutions ont buté sans résultat probant. Le visage singulier des villes dans les pays en développement y impose une conception idoine de l’urbanisation fondée sur les réalités in situ.

La présente réflexion passe en revue les grands traits particuliers – constituant autant de problèmes – des villes dans les pays les moins avancés, avant de proposer des reformes susceptibles d’y améliorer de manière significative et durables le quotidien des citadins.

La caractéristique la plus remarquable des villes dans les pays du sud (pays en développement) est la croissance très accélérée dont elles sont le théâtre. En quelques décennies, ces villes ont atteint des taux d’urbanisation que les villes des pays du Nord (pays développés) ont mis des siècles à atteindre. Cette explosion démographique est le résultat conjugué de la croissance interne rapide (fécondité élevée) et de l’exode rural, phénomène qui garde encore une grande portée car le réservoir rural représente encore une part importante de la population totale dans les pays en développement. Les mouvements de populations rurales vers les villes est composé essentiellement de personnes attirées par le mythe urbain, à la recherche d’emploi – car le volume de l’emploi dans le milieu rural reste stationnaire – et d’un cadre de vie meilleur où ils espèrent pouvoir accéder aux services de base.

La croissance démographique dans les pays du Sud est d’autant plus alarmante qu’elle n’est pas suivie d’un développement économique conséquent. Elle a lieu dans un difficile contexte de marasme économique. De même, vu l’insuffisance des structures d’accueil, en l’occurrence les logements, le rythme soutenu de la croissance démographique dans les villes en devenir a pour corollaire une urbanisation spontanée et incontrôlée, devant laquelle l’absence des ressources rend les pouvoirs publics impuissants. D’où le développement d’habitats précaires en marge de la légalité, mais accueillant une part significative et croissante de la population urbaine dans un état de pauvreté déconcertant.

Par ailleurs, les populations qui vivent dans les villes en devenir sont d’origines ethniques diverses. Et du fait de leur piètre intégration économique mais aussi sociale, elles se regroupent généralement en microcités éclatées où peuvent s'organiser l'entraide. Les différences d’organisation socio-économique entre ces microcités elles-mêmes, et entre elles et le reste de la ville fait de cette dernière une juxtaposition d’univers côte à côte mais correspondant à des expériences et des réalités très distinctes. En cas de troubles sociopolitiques, ce phénomène de ségrégation ethnique est un grand facteur d’exacerbation des tensions sociales et des conflits.

Un autre aspect notable de l’urbanisation des villes en devenir est la croissance vertigineuse des taches urbaines, c’est-à-dire l’extension spatiale horizontale des villes. Elles s’étendent souvent sur des dizaines de kilomètres (Le Caire, en Égypte), phagocytant l’espace rural à leur périphérie. C’est le mécanisme de la rurbanisation qui, en plus d’augmenter considérablement les coûts des infrastructures de viabilisation, allonge les distances des déplacements en ville et pose le problème de la mobilité urbaine.

En effet, la croissance démographique et spatiale soumet les systèmes de transport urbains à de fortes pressions. L’essor généralisé de la motorisation entraîne le développement de la congestion et de la pollution, transformant les circuits de déplacement urbains en de véritables calvaires.

En considérant les villes en devenir, non pas de manière isolée, mais en tant que maillons d’un réseau urbain, une faiblesse majeure se présente : l'existence de grandes villes primatiales. De fait, une ville (Abidjan, Côte d’Ivoire) ou deux (Yaoundé et Douala, Cameroun) dominent un réseau urbain macrocéphale, concentrant l’essentiel des activités administratives et les secteurs pilotes de l’économie. Ces villes primatiales résultent d’une croissance cumulative ; les États disposant de ressources limitées, concentrent leurs efforts de développement sur une seule ville, la rendant attractive pour les investisseurs et les migrants en quête de mieux être.

Sur le plan économique, le secteur informel participe pour une grande part à l’économie des villes dans les pays en développement (souvent jusqu’à 40% des actifs urbains). C’est un système parallèle considéré comme parasitaire mais qui n’en assure pas moins la subsistance des nombreuses populations pauvres issues de l’exode rural et qui permet indirectement la prospérité du secteur moderne par les services très bon marché qu’il offre à l’ensemble des populations.

Au total, les villes en devenir sont minées par de nombreux problèmes qui se situent à des niveaux divers. La ville se comprenant comme un système complexe dans lequel les différentes composantes sont en interaction dynamique, ces problèmes sont souvent intimement liés et il convient d’opter pour une approche globale pour les résorber.

Depuis le sommet des villes organisé en 1996 par l’Organisation de Nations Unies, les villes sont reconnues comme un des enjeux majeurs de la communauté internationale en matière de développement économique, social et en ce qui concerne la question de l’avenir de notre planète. Cette importance reconnue aux villes sous-tend la politique de décentralisation qui correspond au souci de rendre les gouvernements plus efficients dans le traitement des affaires locales en associant secteurs publics, secteurs privés et associations d’habitants. La décentralisation a fait ses preuves dans certains pays comme le Brésil où à Porto Alegre, les habitants intéressés par les questions les concernant ont participé à hauteur de 15% au budget de leur ville, tandis que l’histoire a montré l’échec des modèles d’opérateursétatiques bureaucratiques centralisés privilégiant les approches techniciennes.

La mise en œuvre effective de la décentralisation apparaît donc comme un préalable nécessaire à toute action de développement urbain. Cependant, il faut que la décentralisation qui correspond au transfert de certaines charges de l’État aux collectivités locales soit suivie du nécessaire transfert (ou allocation éventuellement) des ressources pour faire face à ces charges.

Le défi suivant à relever est l’orientation du développement urbain à travers la planification, économique et urbanistique. Les plans économiques doivent prendre en compte le secteur informel, vu son poids dans l’économie des villes, afin de l’orienter : prendre des mesures restrictives à son encontre quand il devient trop préjudiciable pour les activités formelles ou au contraire favoriser son épanouissement quand le besoin se fait sentir. La volonté de régularisation systématique du secteur informel s’est soldée la plupart du temps par un échec. Les outils et les cadres de planification de référence doivent privilégier l’approche d’ensemble et mettre en place des processus décisionnels plus participatifs. Ils doivent être adaptés aux exigences actuelles dans leur forme (documents simplifiés) et leur objectifs (orienter le développement urbain plutôt qu’espérer le maîtriser).

En outre, pour maintenir dans les campagnes la masse des migrants potentiels, il faut y implanter des pôles de développement générateurs de croissance économique et d’emplois. Cette stratégie de distribution équilibrée et harmonieuse des pôles de développement nécessite une conception territoriale des plans économiques. Les ressources naturelles d’une région peuvent par exemple contribuer à financer et approvisionner en matériaux une industrie de pointe dans une autre région où la nature a fait preuve d’une moindre générosité. Cette intégration économique nationale suppose aussi la mise en place d’un réseau de communication interurbaine efficace qui dessert les zones enclavées du territoire national.

Au niveau intra – urbain, l’amélioration de la mobilité exige la mise sur pied de systèmes de transports collectifs urbains. Ces derniers sont beaucoup plus performants que les solutions de déplacement individuelles : un autobus occupant l’espace de mobilité d’environ 3 voitures individuelles permet des débits de passagers jusqu’à 40 fois supérieurs à ceux de ces voitures individuelles.

Par ailleurs, chez les bailleurs de fonds, c’est plus la question de la gestion que celle du coût qui est se pose en obstacle aux projets de transports collectifs publics ; une attention particulière doit donc lui être accordée, de même qu’à l’entretien et la maintenance du matériel qui sont de loin plus problématiques que son acquisition.

Dans les villes en devenir, l’accès à un logement sain est devenu un véritable luxe, et pour cause, la spéculation foncière met les prix des terrains hors de portée à la masse des plus démunis qui est reléguée dans les espaces urbains les moins favorables à l’établissement humain. Et les opérations de logements sociaux initiées par l’État ne répondent qu’à une faible portion de la demande.

L’intervention efficace de la puissance publique, en vue de réguler le marcher foncier est alors une importante question de maintien de l’ordre et de l’équité sociale dans des villes pauvres où un petit groupe riche le devient encore plus par l’entremise de plus values réalisées sur des immeubles thésaurisés. Elle doit limiter la spéculation foncière par la taxation des terrains urbains non mis en valeur, la taxation des plus values réalisées à l’occasion de mise en place d’équipements urbains. Ces mesures fiscales peuvent être combinées à des politiques de subventions d’opérations sociales.

En outre, il convient d’opter pour la régularisation des occupations illégales en échange de contributions financières de ceux qui y vivent, au lieu de leur destruction systématique qui n’est en réalité qu’une solution palliative avec des suites bien connues : les populations chassées reconstituent leur habitat ailleurs dans la ville.

L’urbanisation dans les pays en développement est une urbanisation galopante qui se poursuit à un rythme vertigineux dans la totale impuissance des autorités publiques. Il s’ensuit un cortège de problèmes dont la résolution se pose comme un défi aux villes en devenir. Ces problèmes vont du foisonnement des bidonvilles à la domination des villes primatiales en passant par les questions d’emplois et de mobilité urbaine.

Malgré leur grand nombre, les difficultés que rencontrent les villes en devenir tissent entre elles des liens étroits qui obligent un traitement global. Ce traitement passe nécessairement par la mise en œuvre effective des politiques de décentralisation qui garantissent une plus grande compétence des collectivités locales reconnues aujourd’hui comme des acteurs clés du développement social et économique.

Gageons que sur la base des connaissances acquises et de l’action collective, les villes dans les pays en développement, notamment en Afrique Subsaharienne, puissent trouver leur voie, qui n’est pas nécessairement celle qui a été suivie par les villes occidentales, mais plutôt celle qui découle naturellement de leur identité propre, de leur contexte naturel, sous l’instigation des propres fils du continent.

Ahmed SANGARE  - Architecte

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