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21 sept. 2009

Décentralisation et bonne gouvernance


À l’heure où la place de l’État est parfois contestée, on assiste à un développement de l’action publique locale, en particulier autour des processus de décentralisation qui ont abouti dans de nombreux pays à la mise en place d’un cadre institutionnel nouveau. Ce mot qu’on rencontre sur toutes lèvres, des colloques internationaux entre spécialistes aux discussions entre populations non averties, en passant par les milieux scolaires, est manifestement porteur de plusieurs espoirs.


En effet, la décentralisation est partout applaudie et paraît comme la solution miracle à divers égards, surtout en ce qui concerne la question de la bonne gouvernance. Il n’en demeure pas moins que le vocable décentralisation demeure un terme encore obscur dans la plupart des esprits, surtout lorsqu’il est associée a celui de déconcentration.

Dans le présent travail, nous nous proposons de mieux comprendre la décentralisation en faisant notamment la distinction avec la déconcentration. Nous mettrons ensuite en exergue l’apport considérable de la décentralisation au processus de développement et son caractère stratégique en matière de bonne gouvernance.

La déconcentration : atténuation de la lourdeur de la centralisation

En France, le décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration et pris en application de la loi du 6 février 1992, affirme dans son article premier : « La déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat. »

La déconcentration est un système d’organisation administrative dans lequel sont créés à la périphérie des relais du pouvoir central. Elle vise à améliorer l’efficacité de l’action de l’État en délégant certaines attributions de l’échelon administratif central aux fonctionnaires locaux (préfets, directeurs départementaux des services de l'État, leurs subordonnés). « Dans le cadre de la déconcentration c’est toujours le même marteau qui frappe mais on en a raccourci le manche » comme le dirait Odilon BARROT. En effet, c’est toujours l’Etat qui agit mais pour être plus efficace, il rapproche certaines de ses autorités de ses administrés. Ces autorités sont des agents de l’Etat qui agissent dans des aires géographiques bien définies que sont les circonscriptions administratives [1].

Les services déconcentrés ainsi créés dépendent des services centraux par le biais du pouvoir hiérarchique qui est la caractéristique fondamentale de la déconcentration. Ce pouvoir est détenu de plein droit par l'autorité supérieure qui peut intervenir, pour des raisons tant d'opportunité que de légalité. Il s’exerce aussi bien sur les actes que sur les personnes :

· Pouvoirs sur les actes. Le supérieur hiérarchique peut indiquer au subordonné par voie de circulaires ou directives comment interpréter les textes ou comment mener concrètement son action : c’est le pouvoir d’instruction. Il peut également remplacer la décision du subordonné par une autre décision (qui n’a cependant pas d'effet rétroactif) : c’est le pouvoir de reformation. Il peut enfin faire disparaître la décision du subordonné (avec effet rétroactif) : c’et le pouvoir d’annulation.

· Pouvoirs sur les personnes : pouvoir de nomination, pouvoir de notation et pouvoir disciplinaire.

La déconcentration a pour objectif d’atténuer la lourdeur de la centralisation, un système administratif où les pouvoirs et les moyens de l’Etat sont concentrés dans les mains de l’autorité centrale ; le pouvoir de décision est alors la prérogative d’une seule personne ou une poignée de personnes qui utilisent les moyens humains, matériels et financiers à leur guise.

Par ailleurs, la déconcentration vient en appui à la décentralisation : dans la pratique, les deux se combinent.

La décentralisation : des centres de pouvoir à la périphérie


La décentralisation consiste en un transfert de pouvoirs de l'État vers une personne morale de droit public distincte de lui. Cette dernière dispose d'une autonomie plus ou moins grande, selon le degré de décentralisation, d'un budget propre, et reste sous la surveillance de l'État qui est l’autorité de tutelle.

Dans le cadre de la décentralisation, la relation centre-périphérie est aménagée différemment puisque ce sont de véritables centres de pouvoir qui sont créés et installés à la périphérie. Le maître mot de la décentralisation est donc l’autonomie. A ce propos, le professeur Georges BURDEAU précise : « Une activité est dite décentralisée lorsque les règles qui la commandent sont édictées par les autorités émanant du groupe qu’elle concerne. Ce qui caractérise donc un groupe territorial lorsqu’il est décentralisé, c’est son affranchissement quant à l’activité visé à l’égard du pouvoir central. »

Il convient de distinguer la décentralisation territoriale de la décentralisation par services.

Décentralisation territoriale. C’est le processus consistant pour l’Etat à transférer au profit des collectivités territoriales[2] certaines compétences et les ressources correspondantes. Les compétences transférées sont larges et embrassent toutes les affaires d’intérêt pour les habitants d’une collectivité.

Décentralisation technique, fonctionnelle ou par services. On parle de décentralisation par services lorsqu’une personne morale de droit public (État ou collectivité territoriale) décide de ne pas gérer une activité mais de transférer sa gestion à un organe distinct que l'on appelle établissement public. Ces derniers sont le plus souvent soumis à un principe de spécialité (par exemple, l'université est un établissement public chargé de gérer l'éducation supérieure). Les compétences transférées sont ici limitées et les établissements publics ne disposent pas de la même protection que les collectivités territoriales, puisqu'ils peuvent toujours être supprimés par la personne qui les a créés, tandis que pour les collectivités, l'État (qui les a créées) ne peut, pour des raisons politiques, les supprimer.

La décentralisation repose sur le principe démocratique fondamental de la libre administration. Pour qu’il y ait décentralisation, il faut nécessairement la réunion des éléments qui suivent :

La reconnaissance de la personnalité morale : les collectivités décentralisées doivent être reconnues par la loi ;

L’existence d’affaires locales ;

La gestion par des organes élus : L’organe délibérant ou conseil et l’organe exécutif ;

Des ressources propres et une autonomie de gestion ;

La tutelle de l’Etat : l’Etat a la responsabilité de veiller à la légalité des actes et des décisions par les collectivités décentralisées.

Bonne gouvernance

La gouvernance est la manière dont les gouvernements gèrent les ressources sociales et économiques d'un pays pour atteindre au développement.

La bonne gouvernance, elle, peut-être définie comme « l’exercice du pouvoir par les divers paliers de gouvernement, de façon efficace, honnête, équitable, transparente et responsable. »[3].

Cette définition, qui paraît simpliste, esquisse cependant les principaux éléments qu’inclut la notion de bonne gouvernance :

La participation : possibilité pour tout citoyen de prendre part au processus de prise de décision ;

La transparence : libre circulation de l’information, ouverture des actions et des décisions des administrations publiques, dans une certaine mesure, à l'examen des autres secteurs de l'administration, du Parlement, de la société civile et parfois d'institutions et d'autorités extérieures ;

Le consensus : conciliation des intérêts divergents vers l’intérêt général

L’équité ou la primauté du droit : application des lois, réglementation et codes par les autorités publiques en toute égalité et en toute transparence. Possibilité pour tous, sans distinction aucune de sexe, race ou religion, d’accéder au bien-être ;

L’efficacité et l’efficience : production de résultats qui satisfont les besoins des populations en faisant un usage optimal des ressources ;

La responsabilisation de tous les acteurs du développement, les groupes porteurs d’intérêt.

La prospective ou vision stratégique : anticipation par les autorités publiques des problèmes qui se poseront à partir des données disponibles et des tendances observées, ainsi que l’élaboration des politiques qui tiennent compte de l'évolution des coûts et des changements prévisibles (démographiques, économiques, environnementaux, par exemple).

La décentralisation : outil stratégique de la bonne gouvernance

La décentralisation est un facteur indéniable de bonne gouvernance. Montrons à présent comment elle contribue – ou constitue souvent une condition nécessaire – à la réalisation des éléments de la bonne gouvernance mentionnés plus haut.

La décentralisation a pour principal objectif d’instaurer la démocratie dès la base. Elle permet à l’administration et aux administrés d’entretenir des relations de proximité et d’être directement impliqués dans la gestion des affaires locales. C’est cette gestion de proximité qui constitue le premier élément de la bonne gouvernance : la participation.

Dans le cadre de la décentralisation, le décideur n’est plus l’Etat central "lointain", mais un élu local mieux informé des problèmes sur place. Les décisions de l’élu local, non seulement reflètent mieux les aspirations des populations, mais tiennent compte des ressources disponibles pour mener ses actions. La décision ne venant plus d’ailleurs, cela implique par ailleurs un gain de temps très important. La décentralisation participe ainsi à une efficacité accrue des actions publiques.

En outre, la décentralisation amène les citoyens d’un territoire à s’intéresser aux préoccupations et problèmes de leur milieu. En amont, ils prennent part à l’élaboration même des projets et des programmes de développement et y accordent leur adhésion. De ce fait, ils sont plus enclins à observer leurs devoirs civiques vis-à-vis de la collectivité (élection de leurs représentants, respect des règlements, paiement des impôts et des taxes). La responsabilisation de la population ainsi effectuée est un gage essentiel de bonne gouvernance.

En plus de l’information des populations[4] des affaires qui les concernent, les élus locaux dans la définition des plans de développement locaux doivent en principe associer tous les acteurs économiques et les informer des affaires de la collectivité afin de mobiliser des initiatives et des investissements. Cette transparence, qui se manifeste par la libre circulation de l’information, se prolonge aussi avec les échanges et concertations entre les collectivités territoriales et les représentants de l’Etat dans le cadre de la tutelle administrative.

La démocratie locale nécessite un changement de mentalité et la réduction des disparités sociales et culturelles pour la promotion du développement local. A la base de la gouvernance locale (décentralisation) réside donc le principe de consensus. Ainsi le décideur local est-il élu par toute la population, de manière consensuelle, sur la base de ses idées et du programme politique qu’il soumet l’assentiment de la population, et non pour son statut social, son appartenance politique ou quelque autre affinité qu’il entretient avec une part de la population. N’importe quel habitant de la collectivité, pourvu qu’il respecte les voies légales, est un élu local potentiel ; cela introduit par la même occasion la notion d’équité et de primauté des droits.

L’échelon local est aujourd’hui considéré comme un enjeu central pour la réussite des politiques de développement. Terrain concret des conditions de vie des populations, il permet de prendre en compte la diversité des enjeux attachés à l’action publique, à la croisée de l’exercice démocratique, de l’offre de services publics et des progrès économiques. Il est en effet le lieu d’expression quotidien de la démocratie, de l’État de droit et du développement, et constitue l’échelle la plus pertinente pour une coopération entre les différents champs et acteurs engagés dans cette perspective.

La décentralisation constitue une opportunité importante de relégitimation de l’action publique à travers la mise en œuvre d’institutions plus proches des citoyens, favorisant leur participation à la vie publique et incitant les autorités à un plus grand devoir de redevabilité sur leurs réalisations. Elle permet également de mettre en œuvre une politique adaptée aux besoins des populations, notamment en termes de services essentiels et d’impulser une dynamique économique capable de stimuler le développement national. Et c’est justement ce qu’on entend par bonne gouvernance.

Il est à remarquer cependant que la décentralisation ne présente les vertus qui lui ont été attribuées dans cette réflexion que si elle est effective. Et à ce sujet, les pays africains sont à des stades très divers. Mais une chose demeure certaine : il reste encore beaucoup à faire dans nos pays pour tirer le meilleur parti de la décentralisation.

Ahmed SANGARE - Architecte

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